4- Le Gramophone de Berliner :



En 1887, Emile Berliner, allemand émigré aux USA qui s’était enrichi en 1878 en proposant une version améliorée du microphone de Bell, dépose un brevet pour un lecteur à disque plat en zinc enduit de cire que l’on grave avec un burin métallique. On attaque ensuite à l’acide chromique le zinc qui a été mis à nu par la gravure. Ce disque peut alors être facilement reproduit en un nombre infini de copies en fabricant un moule par galvanoplastie.

Plus tard, on tirera une matrice métallique, toujours par galvanoplastie à partir d’une mère en cire, ce qui diminue le bruit de gravure. D’autre part, le sillon en gravure latérale s’use moins rapidement que la gravure en profondeur des cylindres, le poids du bras ne reposant pas directement dessus. Il baptise son invention "Gramophone" et l’essaie aussitôt avec une petite Nursery Rime, “Twinckle twinckle Little Star”. Les premiers disques sont pressés en vulcanite, un caoutchouc dur, puis dans une matière plastique appelée Durinoïd. Berliner revient en Allemagne en 1889 et passe un contrat avec un fabricant de jouet pour diffuser un petit lecteur à main pour enfants, très bon marché, qui reproduit des disques de 12,5 cm.

En 1893, Berliner fonde aux USA la Gramophone Company en association avec Fred Gaisberg, qui devient le premier directeur artistique de l’histoire du disque. Mais la compagnie est trop peu importante et se limite à faire des démonstrations des possibilités du disque. En 1895, la compagnie des chemins de fer de Pennsylvanie investit la somme de 25 000 dollars dans ce nouveau support, ce qui permet à Berliner de perfectionner sa machine et de la lancer commercialement dès 1896. Le succès est énorme ; deux ans plus tard, il se vend pour un million de dollars de gramophone aux USA. En 1898, Berliner et ses associés fondent en Angleterre The Gramophone Company, qui deviendra His Master’s Voice puis E.M.I.

En Allemagne la Deutsche Grammophon Gesellschaft qui est la première usine au monde spécialisée dans le pressage des disques ; et l’année suivante en France la Compagnie Française du Gramophone. En 1904, l’usine de Hanovre presse 25 000 disques par jour et le catalogue contient déjà plus de 5 000 titres, en 1929 elle fabrique 10 millions de disques par an!

Moins cher que le cylindre, de durée plus longue (près de 5 minutes contre 2), plus pratique d’emploi, le disque s’impose définitivement et Edison est obligé à son tour d’en fabriquer, malgré les progrès réalisés par les cylindres en terme de qualité de son et de durabilité (les derniers cylindres sont en celluloïd quasiment inusable). Mais il a fallu attendre 1901 pour pouvoir les reproduire en quantité et 1909 pour que leur durée passe à 4 minutes. Il est déjà trop tard, les cylindres disparaissent peu à peu, même s’il s’en produit jusqu’en 1929, pour alimenter les milliers d’appareils déjà vendus.



De plus, le Gramophone s’impose grâce à une utilisation massive de la publicité. Fred Gaisberg sillonne le monde pour faire enregistrer les plus grands artistes. Enrico Caruso, avec près de 250 faces enregistrées, et Feodor Chaliapine, seront les premières stars à s’imposer grâce au disque, même si Chaliapine refusa d’abord car il avait peur de perdre sa voix s’il l’enregistrait et se signait avant chaque séance d’enregistrement.


Un autre coup de génie fut l’achat du célèbre tableau de Francis Barrault représentant le chien Nipper écoutant un phonographe - et qu’Edison avait refusé. On remplaça le phonographe à cylindre par un gramophone dernier modèle (le Trade mark Model 1901) et la marque Gramophone Company devint His Master’s Voice, le portrait de Nipper ornant dès lors chaque étiquette de disque.



La technique s’affine et, en 1910, on propose la première gravure orchestrale, le premier mouvement du Concerto pour piano de Grieg par Wilhelm Backhaus et le New Symphony Orchestra dirigé par Landon Ronald et, en 1913, la première œuvre intégrale, la 5° symphonie de Beethoven par la philharmonie de Berlin dirigée par Arthur Nikisch.